C’est un sacré orage qui s’abat sur la Corse cette nuit-là. Des trombes d’eau alternent avec des accalmies très venteuses, le tonnerre gronde et illumine le ciel. Une vraie tempête. Je sens que quelques gouttes arrivent à entrer par les aérations et ailleurs, et j’essaye de me caler pour ne pas me faire mouiller.
Difficile de trouver le sommeil dans ces conditions, déjà que je dois souvent changer de position pour soulager les hanches et chevilles qui souffrent du sol dur depuis presque deux semaines. Je grappille quelques minutes qui forment de petites heures. Je me demande plusieurs fois si je ne vais pas profiter d’une accalmie pour filer me mettre à l’abri dans le bâtiment des sanitaires afin d’éviter de tremper le duvet, mais n’en ai jamais la force.
Le réveil des randonneurs à 4h du matin coupe encore plus. Les torrents d’eaux continuent, ils restent à l’abri dans leur tente à discuter et chanter… c’est la galère.
On se réveille un peu mieux vers 6h et fait l’état des lieux : la tente semble flotter et un quart est trempée par le fond, dont le bas de mon sac de couchage. Ça explique le frais que je sentais aux pieds ! Mais il est bien étanche heureusement. En sortant lors d’une brève accalmie, on se rend compte que l’on est bel et bien en flottaison sur une belle flaque d’eau.
Direction l’abri pour évaluer « au calme » la situation. Aucun randonneur ne semble être parti ce matin, et ce temps peut durer jusqu’au début d’aprèm selon la météo de la veille. On se décide pour la fuite : tout démonter pour le ranger dans un sac étanche, et descendre vers la côte pour trouver de quoi manger ainsi qu’un temps plus engageant.
C’est toujours dans le brouillard, sous le déluge et par 10°C (au lieu des 20 de la veille) que l’on passe le col de Vergio et entame la descente très sinueuse qui va nous faire perdre 1.400m d’altitude. Visibilité compliquée, torrents sur la route avec des tas de débris divers, mais pas de coulée de boue.
La pluie se calme en s’éloignant des sommets qui stoppent les nuages. On profite d’un village pour acheter de quoi petit déjeuner sur le pouce dans la voiture. Descente des gorges de Spelunca, vraiment impressionnantes, il y a de sacrés à pic et de belles couleurs de roche.
Un temps plus clément semble nous tendre les bras vers la côte. Passage à Piana pour une petite visite du village – il fait partie des plus beau village de France, appellation très suggestive. Les petits vieux sont dans la rue et accueillent le prêtre tout en échangeant des banalités. Courses pour le midi et le soir, puis on pousse un peu plus loin pour aller voir la tour de Turghiu.
Un beau sentier bien aménagé nous y conduit. Il fait gris et il y a du vent, ça nous va bien comme fraîcheur. Des ondées arrivent par la mer mais vers d’autres endroits, on a choisi la bonne destination pour ce matin, on restera au sec.
On se rapproche des belles falaises de roche rouge. Pas mal de structures en pierres, de petites maisons, voire des terrasses pour un jardin aux alentours. La côte est déchiquetée et la mer pleine d’écume.
On contourne le promontoire rocheux sur lequel se dresse la tour avant de le gravir par un sentier bien empierré en petits lacets, presque une ruelle pavée, mais descendu par un torrent. On arrive à ne pas se tremper les pieds et crapahute jusqu’au sommet.
C’est une belle tour ronde face à la mer. On y grimpe au premier niveau intérieur par un escalier en façade, puis sur la terrasse sommitale par un étroit escalier intérieur aux marches totalement irrégulières. Attention à la descente !
Vue magnifique depuis là-haut. Ils devaient pouvoir bien surveiller les arrivées par voie maritime.
On tente de faire une boucle en redescendant par un autre chemin d’où l’on a vu arriver d’autres personnes. Il faut parfois s’aider des mains, on sent que les bras ont travaillés la veille, ça tire. Les cairns disparaissent au bout d’un moment, on termine donc à flanc pour retrouver le chemin aller.
Le retour est long et un peu chaud, on a surtout très faim. On est partis sans trop calculer que ça nous ferait revenir à 13h passés. Il y a pas mal de monde dans l’autre sens, et on sent que l’on n’est plus en montagne. Très peu d’entre eux répondent à notre « Bonjour » quand on les croise.
On file se garer sur une piste un peu à l’écart de la route, pour manger notre bonne salade mais surtout pour essayer de tout faire sécher. Pour cela, on monte une partie de la tente et accroche le double-toit au coffre ouvert. Celle de Claudie est étalée sur le capot pendant que mon duvet est calé sur le toit. Le reste étale par terre sous des pierres. On n »aurait pas cru en sortant tout ça ruisselant du sac, mais moins d’une heure après, tout est sec grâce au vent chaud et quelques rayons de soleil. Ça a été un peu l’attraction pour toutes les voitures qui passaient sur la route.
On sent que la côte est plus touristique que l’intérieur. En descendant les gorges, les parkings sont bondés et beaucoup les visitent à pied sur le bord de la route. On ne peut pas rejoindre un court sentier repéré par Flo sur la carte mais on s’arrête tout de même pour profiter de la vue. Ce qui nous évite de croiser un bus faisant la navette. On plaint le chauffeur, obligé de klaxonner à chaque virage pour prévenir qu’il arrive.
Porto. On se demande bien à quoi ressemble le port en basse saison, tout semble fait uniquement pour le tourisme. On entend de loin les grosses vagues. Une petite visite à pied de la plage avant de se diriger vers la tour génoise aperçue en passant à l’aller. 2.5€ par personne pour la visite, on trouve ça un peu abusé. On fait demi-tour et s’achète un peu de glace dans une supérette (celles des glaciers sont à 3€ la boule) et s’installe pour la manger à l’ombre sur la plage.
Il y a des eucalyptus un peu partout, une bonne odeur qui embaume l’air. La montagne tombe dans la mer avec une végétation luxuriante entre les deux et un reste de brumes, c’est très exotique. Je ne voyais pas du tout la Corse comme ça, on a vraiment l’impression d’être télé-transporté ailleurs.
On étudie les solutions qui s’offrent à nous pour la nuit à venir : les campings un peu plus loin sont un peu chers, le bivouac est interdit et on est tous fatigués, ce sera la camping municipal de Porto.
Un bon mélange semoule / ratatouille qui ravit les papilles et estomac, et qui réconcilie Flo après le repas de la veille au soir.