Aujourd’hui, c’est le grand jour. Après bientôt 2 ans à y penser et à la prévoir, je vais enfin m’élancer sur la traversée de la Chartreuse, de Grenoble jusqu’à Chambéry, bien accompagné du frangin. Notre dernière « nimperie » du genre ensemble date d’il y a 20 ans, lorsque nous avions fait le Mont Buet en boucle par Sixt (avec le cousin Thierry) sur la journée. Au programme du jour : 65km et 3000m de dénivelé. L’objectif initial étant de tenir les 5km/h de moyenne pour la finir en 12/13h.
Tout est calé depuis plusieurs jours : la trace GPS dans la montre avec les points d’eau indiqués sur Refuges.info, le billet de train pour 5h40, le sac avec toutes les affaires et le ravitaillement solide. Je vais essayer d’être plus régulier que d’habitude, en prenant une pâte de fruit toutes les heures, et j’ai deux bons sandwichs pour caler l’estomac.
Nuit courte et pas très reposante, comme souvent avant ce genre d’aventure. On prend le petit déjeuner tranquillement, file d’un bon pas vers la gare et finit de se réveiller dans le train, en contemplant tout le massif qu’il va nous falloir traverser dans la journée. 6h30, nous sommes sur le parvis de la gare de Grenoble. L’heure de s’élancer.
Premiers kilomètres de plat dans une ville encore endormie pour rejoindre l’Isère et le pied de la Bastille. L’escalier visé se trouvant dans un parc est encore fermé, je peux heureusement compter sur Guillaume qui, ayant fait ses études supérieures ici, me guide jusqu’au sentier en lacets qui y monte également, très apprécié des sportifs du coin. Un terrain parfait pour l’entraînement en côte, où l’on y croise quelques coureurs matinaux.
Premier point de vue sur Grenoble et le Vercors à la gare d’arrivée des oeufs, après quelques raides escaliers. On profite des toilettes sèches ( automatiques ) du parking derrière la Bastille avant de s’engager dans l’ascension du Mont Jalla, pour redescendre sur le col de Vence. On se sent plutôt bien, et apprécie grandement cette belle redescente dans laquelle on peut courir. Premier ravitaillement en eau au col à une fontaine (avec robinet) à côté de l’arrêt de bus.
Le Fort du Saint-Eynard nous paraît très loin là-haut, surplombant le col, mais le sentier en lacets qui y monte est régulier et pas trop pentu, on y est assez rapidement. C’est alors parti pour une dizaine de kilomètre de crêtes en direction du col du Coq. Un sentier qu’il avait déjà pris il y a des années dans l’autre sens en VTT, et sur lequel il avait bien galéré. C’est heureusement plus praticable à pieds, bien qu’il faille regarder où on marche tout en surveillant les éventuelles branches basses, dans une succession de petites montées / descentes. Une belle trace mais qui réclame son dû.
C’est un plaisir de retrouver le GR, puis le col du Coq. On fait le plein d’eau à la fontaine ( un gros tuyaux de PVC ), j’y remplis mon camel bag pour être tranquille pour la suite, et on se pose un petit moment à l’ombre pour la première pause pique-nique de la journée. A partir de là, on va vraiment entrer sur les grands plateaux de la Chartreuse, avec moins de possibilités de sortie jusqu’à la Plagne. Et autant nous avons jusqu’à présent profité de l’ombre et de la fraîcheur grâce à une exposition ouest et à la forêt, le soleil va maintenant être de la partie. Et il tape fort.
On repart pour le col des Ayes, en passant par un sentier très bien entretenu permettant de ne pas trop redescendre. Le coin est tout de suite beaucoup plus couru. Après les seulement 3 personnes croisées depuis la Bastille, il y a presque foule ici, sous la Dent de Crolles !
La section « grimpette » se fait plutôt bien, il me faut juste ranger les bâtons, et l’on débouche sur les plateaux sous la Dent. Je suis toujours impressionné par la différence entre la vue d’ici et celle depuis la vallée de ce sommet. On n’imagine pas l’à-pic qui se cache au bout. On entame ce second gros tiers, toujours en alternance trot / marche rapide en fonction du terrain, bien content de contourner les grands cirques, ce qui permet de rester à peu près à niveau.
Petit détour par les chalets de Bellefont pour faire le plein d’eau à un tuyau d’arrosage. C’est plus que nécessaire avec cette chaleur. Il faut ensuite attaquer le col de Bellefont, que l’on grimpe à une bonne allure (relativement parlant), poussé par un vent dans le dos bienvenu. On aurait pu l’éviter en passant par la cheminée du Paradis, mais j’avais tracé en suivant le GR, et le point d’eau était important. L’une des plus belles vues de la Chartreuse nous attend en haut !
Petite pause bien méritée au sommet. Guillaume a pris un coup de chaud et ne peut plus trop courir. J’ai encore un peu de jambes, les changements de rythme me soulageant les chevilles, mais on va ralentir le rythme. J’avance un peu devant en alternance marche/course, et l’attend régulièrement, jusqu’à ce que l’on s’arrête pour la seconde pause pique-nique, à l’ombre d’une forêt de résineux.
Il a du mal à s’alimenter et une belle balafre sur le crâne ( on s’est tous les deux tapé fort la tête dans une branche ), et prévoit de s’arrêter à la Plagne pour descendre en stop. Je pourrai potentiellement partir devant et aller au moins jusqu’au col du Granier, mais je préfère rester avec lui. C’est moi qui ai la trace et, même si c’est bien indiqué et qu’il connaît un peu le coin, je préfère qu’il ne galère pas à rentrer. Et c’est tout de même plus sympa et sûr de continuer ensemble.
C’est à un rythme plus tranquille qu’on poursuit notre route, avec encore quelques belles petites montées et descentes, dont une bien raide au pas de l’Échelle. On profite bien des paysages et du fort vent qui nous pousse toujours, et nous rafraîchit un peu. Les 4 kilomètres du dernier plateau sous la Croix de l’Alpe paraissent interminables dans ces grands champs d’herbes hautes jaunies par le soleil.
Un dernier plein d’eau à la fontaine de la cabane de l’Alpette et une dernière montée pour le col du même nom avant de plonger sur la Plagne par ce sentier dont j’oublie à chaque fois la violence de la pente…
L’envie de m’arrêter également ici me tourne dans la tête depuis quelques heures maintenant, ces derniers kilomètres me décident définitivement. Le mental prend le dessus, mais les jambes, bien fatiguées, ne sont pas loin derrière. Ces presque 11h, 47km et 3200m de dénivelé positif en montagne seront suffisant pour aujourd’hui ( la trace est très optimiste par rapport au réel ).
Des traileur nous emmèneront jusqu’au col du Granier où, après quelques voitures qui ne s’arrêtent pas, un autre couple, sortant du restaurant, nous demande si l’on fait du stop et nous déposera en gare de Chambéry. On n’aura passé qu’une quinzaine de minutes sur le bord de la route.
La douche, la ré-hydratation et le repas du soir sont les bienvenus. C’est bien fourbu que je rentre terminer ma semaine à Lyon. Mais quel plaisir que cette superbe journée en montagne partagée avec le frangin !